FM-2018-metabolome F. graminearum

La recherche d’inhibiteurs de la biosynthèse de mycotoxines chez Fusarium graminearum implique la prise en compte de l’ensemble du métabolisme fongique.

Fusarium graminearum est le principal agent fongique responsable de la contamination des récoltes céréalières par des mycotoxines et en particulier par le déoxynivalenol et la zéralénone. Décrypter les mécanismes conduisant à l’induction ou à la répression de la biosynthèse de ces toxines est indispensable pour pouvoir espérer définir des stratégies de maîtrise du risque. Nos travaux ont démontré l’imbrication étroite de ces voies de biosynthèse avec le métabolisme primaire fongique et en particulier la chaîne respiratoire et le métabolisme de l’acide gamma-aminobutyrique. Ils ont aussi illustré l’équilibre entre voies métaboliques et ont alerté sur le fait qu’inhiber la voie de biosynthèse d’une mycotoxine pouvait stimuler celle d’une autre. Ils ouvrent la voie sur l’identification de cibles fongiques à considérer dans la recherche de biomolécules pouvant se substituer aux fongicides de synthèse.

Le champignon phytopathogène Fusarium graminearum est l’un des principaux agents de la fusariose de l’épi, maladie des céréales à l’origine de pertes significatives de rendement. F. graminearum est aussi capable de produire plusieurs familles de mycotoxines, dont le déoxynivalenol/DON. A l’heure d’aujourd’hui, aucune stratégie agronomique ne permet de garantir des teneurs en DON inférieures aux valeurs seuils fixées par l’UE. L’optimisation de ces stratégies nécessite d’approfondir les connaissances sur les facteurs et mécanismes conduisant à l’induction de la production de DON. Si la voie de biosynthèse du DON est élucidée et les paramètres environnementaux la contrôlant en voie d’être définis, les mécanismes qui sous-tendent sa régulation sont encore très mal compris. Les dernières avancées scientifiques mettent en évidence le rôle de régulateurs cellulaires centraux (homéostasie redox, pH, développement) capables d’induire ou réprimer la voie de toxinogénèse (Montibus et al., 2015 ; Ponts, 2015) et soulignent la nécessité de développer des études globales, intégrant aussi bien le métabolisme fongique primaire que le métabolisme secondaire.

Une approche métabolomique[1], associant LC-QTOF-MS et 1H-RMN a été mise en œuvre pour caractériser et comparer l’exo et endo-métabolome de F. graminearum, à différents stades physiologiques, dans des conditions favorisant et inhibant la production de DON. L’inhibition de la production a été réalisée par l’ajout d’acide caféique à une concentration qui n’affecte pas la croissance fongique. 95 métabolites ont été suivis, parmi lesquels des métabolites primaires (acides aminés, sucres), des métabolites secondaires dont le DON et ses précurseurs, différents alcaloïdes indoliques et dérivés polyketydes dont des intermédiaires de la voie de biosynthèse d’une autre mycotoxine, la zéaralénone. Nos données ont montré que l’inhibition de la biosynthèse de DON était associée à des modifications importantes de nombreuses voies métaboliques, primaires (et pourtant la croissance fongique n’était pas affectée) et secondaires. Elles ont suggéré un lien étroit entre la chaîne respiratoire (cycle TCA), la voie empruntée pour métabolisme de l’acide gamma-aminobutyrique et la production de DON. La production de tréhalose, connu pour être impliquée dans les mécanismes de réponse aux stress abiotiques chez les champignons filamenteux, s’est avérée liée à celle du DON. Nos données ont illustré comment, au sein du métabolisme secondaire, les voies de biosynthèse étaient imbriquées avec fréquemment des précurseurs communs: l’inhibition de la production de DON s’est accompagnée de niveaux supérieurs en polyketydes et en particulier de ceux conduisant à la synthèse de Zéaralénone. Ces deux voies ont comme précurseurs l’acétyl-CoA.   

Cette étude a permis de progresser sur la connaissance des mécanismes qui gouvernent l’accumulation de DON, illustrant en parallèle les multiples rôles de ce métabolite dans le cycle de vie de F. graminearum. Les résultats mettent en évidence de nouvelles cibles fongiques pour la recherche de biomolécules à activité « anti-mycotoxine » et alertent sur la nécessité de prendre en compte l’ensemble des mycotoxines dans cette recherche de biofongicides. Il s’agit à présent de valider les cibles fongiques identifiées. La comparaison de perturbations métaboliques induites par différents traitements inhibiteurs de la production de DON (différents antioxydants, défensines de plantes) ainsi que la construction de souches affectées dans leur cycle TCA, GABA shunt et voie de biosynthèse du tréhalose sont les approches que nous avons initiées suite à ces résultats.     

 Article: Atanasova-Penichon V, Legoahec L, Bernillon S, Deborde C, Maucourt M, Verdal- Bonnin M-N, Pinson-Gadais L, Ponts N, Moing A, Richard-Forget F., 2018. Mycotoxinbiosynthesis and central metabolism are two interlinked pathways in Fusarium  graminearum, as demonstrated by the extensive metabolic changes induced by caffeic acid exposure. Appl Environ Microbiol 84: e01705-17. https://doi.org/10.1128/AEM.01705-17

[1] Collaboration avec la plateforme métabolome de Bordeaux, cgfb - https://metabolome.cgfb.u-bordeaux.fr/

Date de modification : 14 août 2023 | Date de création : 08 novembre 2018 | Rédaction : Communication MycSA